La sexologie, l'homosexualité et le mariage civil
Le débat actuel sur le mariage civil entre deux personnes de même sexe véhicule certaines fausses croyances associées à la sexualité et à l’homosexualité. Nous pensons que nous devons comme sexologues nous exprimer et espérons-nous apporter un point de vue éclairant. Nous tenons aussi à souligner l’importance de reconnaître le fait homosexuel au-delà de la seule définition du mariage civil.
Quel est le sens profond de la sexualité et du mariage ?
Selon le savoir sexologique, la sexualité humaine ne possède pas en soi un sens métaphysique ou une détermination biologique. Si par exemple la finalité de la sexualité était la reproduction de l’espèce au sein d’un couple marié, alors les hommes s’étant déjà reproduit ou bien ayant passé l’âge ou n’ayant pas les habiletés pour fonder une famille et en être responsables ne devraient plus avoir de désirs érotiques. Cependant la fonction de plaisir occupe bel et bien plus de temps et d’énergie que celle de se reproduire. À noter d’ailleurs que les activités sexuelles érotiques s’avèrent plus normalisées par des lois (sur l’agression, l’abus, l’inceste, la pédophilie, l’exhibitionnisme, etc.) que la reproduction elle-même qui peut se faire hors mariage et même hors lien conjugal.
Le sens à donner à la sexualité relève bien davantage de l’individu, non de l’État ou de l’Église. Et ce sens peut changer selon les multiples et complexes besoins de chacun et les étapes de son développement, de sa vie. L’économie néolibérale semble parfois présenter la sexualité comme un bien à consommer jetable après usage. Des communautés religieuses l’intègrent plutôt dans un modèle hétérosexuel, marital et familial. Bon nombre de couples considèrent la composante érotique comme essentielle à la relation conjugale et à sa durée. Des familles traditionnelles éclatent, d’autres non. De nouvelles formes de famille se développent selon les caractéristiques, les besoins et les projets des uns et des autres.
Le modèle religieux traditionnel ne constitue plus la norme
Nous apparaît une erreur de croire que le modèle religieux traditionnel serait menacé spécifiquement par le mariage civil entre deux personnes de même sexe alors qu’il n’est tout simplement plus le modèle dominant dans un Québec et un Canada pluralistes. Nous pensons que l’homosexualité n’a rien à voir dans cette désaffectation pour le mariage religieux traditionnel. Nous y voyons plutôt un des effets de la Révolution tranquille, un des effets de la loi créant le mariage civil et permettant la séparation et le divorce, un des effets de la Révolution sexuelle, de la libéralisation des mœurs en matière de sexualité et de relation amoureuse, un des effets du mouvement féministe, de la laïcisation de nos institutions sociales, etc.
Somme toute il existe aujourd’hui une pluralité de formes d’union conjugale bien que le mariage constitue un des moyens de rendre officiel le sens que deux personnes donnent à leur relation amoureuse, conjugale, érotique. Contrairement au baptême ou à la première communion, l’institution du mariage n’appartient pas exclusivement aux seules Églises et religions. Ainsi comprenons-nous que le mariage civil entre deux personnes de même sexe ne constitue pas une menace au modèle traditionnel. Au contraire c’est parce que notre société canadienne et québécoise vit déjà une réalité pluraliste que se pose plus ouvertement la question du mariage civil entre deux conjoints ou conjointes de même sexe. Sous les cieux des années 1950, jamais on n’aurait pu imaginer une telle revendication. On l’aurait rapidement étouffée, même si cette revendication était tout aussi justifiée qu’aujourd’hui! La mentalité sociale en ce début du XXIe siècle se réfère à une réalité diversifiée et complexe du couple et de la famille, très différente du modèle religieux traditionnel.
Au-delà de la loi, la reconnaissance sociale
Selon nous, le débat de fond porte plutôt sur la reconnaissance de ce pluralisme qui caractérise maintenant nos façons de former un couple et de constituer une famille.
Le savoir sexologique considère comme scientifiquement inexpliqué et par conséquent inexplicable à ce jour le fait de deux grandes orientations érotiques : hétérosexuelle (attraction érotique pour les personnes de l’autre sexe) et homosexuelle (attraction érotique pour les personnes du même sexe). L’homosexualité ne relève pas d’un développement anormal d’ordre psychique ou psychologique, génétique ou hormonal, personnel ou familial, éducationnel ou social. Il ne s’explique pas scientifiquement par un complexe d’Œdipe non résolu. On ne choisit pas son orientation érotique; on compose avec elle.
L’exclusion des personnes d’orientation érotique homosexuelle comme partenaires valables au sein du mariage civil nous semble inéquitable et injustifiée de notre point de vue de sexologue. Au contraire, l’inclusion favorise la reconnaissance égalitaire d’une différence de fait. Dans une société respectueuse des droits égaux pour tous les individus, l’orientation érotique, tout comme la couleur de la peau ou le sexe biologique, ne doit ni ne peut pas faire l’objet de discrimination personnelle et sociale pour l’accès au mariage, à l’emploi, au logement, aux services sociaux, aux soins de santé, etc.
Nous désirons mettre l’accent sur un dernier point de notre appui à la revendication juridique des personnes d’orientation érotique homosexuelle. Nous pensons que la reconnaissance de l’homosexualité exige davantage qu’une nouvelle législation. L’histoire de l’humanité témoigne d’exclusions et de persécutions diverses toutes aussi injustifiées moralement les unes que les autres. Divers groupes sociaux en ont fait et en font encore l’objet : les Amérindiens, les Juifs, les femmes, les individus à la peau autre que blanche, les Canadiens français, les personnes ayant une déficience intellectuelle, les individus de langue arabe ou de religion islamique, etc.
Depuis longtemps et quasi partout les personnes d’orientation érotique homosexuelle ont dû cacher leurs amours, dissimuler leurs désirs, utiliser des subterfuges et même nier leur orientation pour survivre sans susciter trop de désapprobation ou de mépris de leur entourage. Comme sexologue nous constatons que la vie personnelle, familiale, conjugale et sociale des personnes d’orientation érotique homosexuelle risque d’être bien plus difficile, souffrante et problématique que celle des personnes d’orientation hétérosexuelle tout simplement à cause des préjugés à leur endroit. Perçus comme anormaux, inférieurs, risibles mêmes, ces êtres humains peuvent développer des sentiments de honte, de culpabilité, une faible estime de soi, des comportements d’isolement et une conduite érotique marginale qu’ils ne désirent pas.
Au-delà de la loi sur le mariage civil entre conjoints ou conjointes de même sexe se pose la question de la reconnaissance quotidienne, interpersonnelle, sociale, institutionnelle de l’homosexualité comme un simple fait de nature tel la couleur de la peau et le sexe biologique. Les lois, les normes, la morale ne doivent pas viser une orientation érotique comme telle mais des comportements humains. Notre société pluraliste se donne déjà des valeurs et des normes fondamentales (notamment le consentement mutuel, la responsabilité, l’intimité, l’égalité) en matière de sexualité, quelle que soit l’orientation érotique des personnes.
Peut-être pourrions-nous y gagner en considérant des différences naturelles comme une composante de l’égalité harmonieuse qui devrait caractériser notre société dite libérale et fonder notre fierté de vivre ensemble.
Auteur : Michel Lemay, M.A., sexologue, doctorant en philosophie (éthique appliquée).
Article paru sur InfoSexoWeb.
Retour à InfoSexoWeb.
Quel est le sens profond de la sexualité et du mariage ?
Selon le savoir sexologique, la sexualité humaine ne possède pas en soi un sens métaphysique ou une détermination biologique. Si par exemple la finalité de la sexualité était la reproduction de l’espèce au sein d’un couple marié, alors les hommes s’étant déjà reproduit ou bien ayant passé l’âge ou n’ayant pas les habiletés pour fonder une famille et en être responsables ne devraient plus avoir de désirs érotiques. Cependant la fonction de plaisir occupe bel et bien plus de temps et d’énergie que celle de se reproduire. À noter d’ailleurs que les activités sexuelles érotiques s’avèrent plus normalisées par des lois (sur l’agression, l’abus, l’inceste, la pédophilie, l’exhibitionnisme, etc.) que la reproduction elle-même qui peut se faire hors mariage et même hors lien conjugal.
Le sens à donner à la sexualité relève bien davantage de l’individu, non de l’État ou de l’Église. Et ce sens peut changer selon les multiples et complexes besoins de chacun et les étapes de son développement, de sa vie. L’économie néolibérale semble parfois présenter la sexualité comme un bien à consommer jetable après usage. Des communautés religieuses l’intègrent plutôt dans un modèle hétérosexuel, marital et familial. Bon nombre de couples considèrent la composante érotique comme essentielle à la relation conjugale et à sa durée. Des familles traditionnelles éclatent, d’autres non. De nouvelles formes de famille se développent selon les caractéristiques, les besoins et les projets des uns et des autres.
Le modèle religieux traditionnel ne constitue plus la norme
Nous apparaît une erreur de croire que le modèle religieux traditionnel serait menacé spécifiquement par le mariage civil entre deux personnes de même sexe alors qu’il n’est tout simplement plus le modèle dominant dans un Québec et un Canada pluralistes. Nous pensons que l’homosexualité n’a rien à voir dans cette désaffectation pour le mariage religieux traditionnel. Nous y voyons plutôt un des effets de la Révolution tranquille, un des effets de la loi créant le mariage civil et permettant la séparation et le divorce, un des effets de la Révolution sexuelle, de la libéralisation des mœurs en matière de sexualité et de relation amoureuse, un des effets du mouvement féministe, de la laïcisation de nos institutions sociales, etc.
Somme toute il existe aujourd’hui une pluralité de formes d’union conjugale bien que le mariage constitue un des moyens de rendre officiel le sens que deux personnes donnent à leur relation amoureuse, conjugale, érotique. Contrairement au baptême ou à la première communion, l’institution du mariage n’appartient pas exclusivement aux seules Églises et religions. Ainsi comprenons-nous que le mariage civil entre deux personnes de même sexe ne constitue pas une menace au modèle traditionnel. Au contraire c’est parce que notre société canadienne et québécoise vit déjà une réalité pluraliste que se pose plus ouvertement la question du mariage civil entre deux conjoints ou conjointes de même sexe. Sous les cieux des années 1950, jamais on n’aurait pu imaginer une telle revendication. On l’aurait rapidement étouffée, même si cette revendication était tout aussi justifiée qu’aujourd’hui! La mentalité sociale en ce début du XXIe siècle se réfère à une réalité diversifiée et complexe du couple et de la famille, très différente du modèle religieux traditionnel.
Au-delà de la loi, la reconnaissance sociale
Selon nous, le débat de fond porte plutôt sur la reconnaissance de ce pluralisme qui caractérise maintenant nos façons de former un couple et de constituer une famille.
Le savoir sexologique considère comme scientifiquement inexpliqué et par conséquent inexplicable à ce jour le fait de deux grandes orientations érotiques : hétérosexuelle (attraction érotique pour les personnes de l’autre sexe) et homosexuelle (attraction érotique pour les personnes du même sexe). L’homosexualité ne relève pas d’un développement anormal d’ordre psychique ou psychologique, génétique ou hormonal, personnel ou familial, éducationnel ou social. Il ne s’explique pas scientifiquement par un complexe d’Œdipe non résolu. On ne choisit pas son orientation érotique; on compose avec elle.
L’exclusion des personnes d’orientation érotique homosexuelle comme partenaires valables au sein du mariage civil nous semble inéquitable et injustifiée de notre point de vue de sexologue. Au contraire, l’inclusion favorise la reconnaissance égalitaire d’une différence de fait. Dans une société respectueuse des droits égaux pour tous les individus, l’orientation érotique, tout comme la couleur de la peau ou le sexe biologique, ne doit ni ne peut pas faire l’objet de discrimination personnelle et sociale pour l’accès au mariage, à l’emploi, au logement, aux services sociaux, aux soins de santé, etc.
Nous désirons mettre l’accent sur un dernier point de notre appui à la revendication juridique des personnes d’orientation érotique homosexuelle. Nous pensons que la reconnaissance de l’homosexualité exige davantage qu’une nouvelle législation. L’histoire de l’humanité témoigne d’exclusions et de persécutions diverses toutes aussi injustifiées moralement les unes que les autres. Divers groupes sociaux en ont fait et en font encore l’objet : les Amérindiens, les Juifs, les femmes, les individus à la peau autre que blanche, les Canadiens français, les personnes ayant une déficience intellectuelle, les individus de langue arabe ou de religion islamique, etc.
Depuis longtemps et quasi partout les personnes d’orientation érotique homosexuelle ont dû cacher leurs amours, dissimuler leurs désirs, utiliser des subterfuges et même nier leur orientation pour survivre sans susciter trop de désapprobation ou de mépris de leur entourage. Comme sexologue nous constatons que la vie personnelle, familiale, conjugale et sociale des personnes d’orientation érotique homosexuelle risque d’être bien plus difficile, souffrante et problématique que celle des personnes d’orientation hétérosexuelle tout simplement à cause des préjugés à leur endroit. Perçus comme anormaux, inférieurs, risibles mêmes, ces êtres humains peuvent développer des sentiments de honte, de culpabilité, une faible estime de soi, des comportements d’isolement et une conduite érotique marginale qu’ils ne désirent pas.
Au-delà de la loi sur le mariage civil entre conjoints ou conjointes de même sexe se pose la question de la reconnaissance quotidienne, interpersonnelle, sociale, institutionnelle de l’homosexualité comme un simple fait de nature tel la couleur de la peau et le sexe biologique. Les lois, les normes, la morale ne doivent pas viser une orientation érotique comme telle mais des comportements humains. Notre société pluraliste se donne déjà des valeurs et des normes fondamentales (notamment le consentement mutuel, la responsabilité, l’intimité, l’égalité) en matière de sexualité, quelle que soit l’orientation érotique des personnes.
Peut-être pourrions-nous y gagner en considérant des différences naturelles comme une composante de l’égalité harmonieuse qui devrait caractériser notre société dite libérale et fonder notre fierté de vivre ensemble.
Auteur : Michel Lemay, M.A., sexologue, doctorant en philosophie (éthique appliquée).
Article paru sur InfoSexoWeb.
Retour à InfoSexoWeb.