Dysfonctions érectiles : définition, étiologie et diagnostic différentiel
Introduction
Dans ce court article, nous apporterons, dans un premier temps, une définition des dysfonctions érectiles. Ensuite, nous donnerons un aperçu des causes possibles des dysfonctions érectiles. Dans un troisième temps, nous traiterons de l'épidémiologie des dysfonctions érections et des proportions étiologiques entre celles d'origine organique et celles d'origine psychogène. Enfin, nous parlerons des méthodes actuelles pour poser un diagnostic différentiel entre ces deux grandes catégories de causes.
Définition des dysfonctions érectiles
Avant tout, il convient de préciser que l'utilisation du terme dysfonction érectile, par rapport à celui d'impuissance, découle d'un choix soutenu par divers éléments. En premier lieu, la définition du terme impuissance est plutôt vague et imprécise et celui-ci fut utilisé pour désigner diverses difficultés : éjaculation précoce, manque de désir sexuel, difficulté d'érection. En second lieu, le mot impuissance comporte une connotation péjorative (Kaplan, 1974). Pour ces différentes raisons, il est préférable de conserver l'expression dysfonction érectile quand on veut désigner une difficulté liée à la capacité d'obtenir ou de maintenir une érection du pénis.
L'analyse de la littérature pertinente nous habilite à définir la dysfonction érectile de la façon suivante. Celle-ci se caractérise en effet par une incapacité à obtenir ou à maintenir une érection pénienne suffisamment rigide pour compléter l'acte sexuel par la pénétration, les poussées pelviennes et l'éjaculation.
De façon générale, les auteurs classent les dysfonctions érectiles en deux grandes catégories : primaire et secondaire. Une dysfonction érectile est dite primaire si l'individu n'a jamais eu d'érection de qualité suffisante pour accomplir une pénétration : absence totale d'érection ou érection trop brève. Une dysfonction érectile est dite secondaire si l'individu a déjà pu accomplir la pénétration tout en étant présentement incapable de le faire. Plus précisément, la dysfonction est considérée comme secondaire si l'individu ne peut accomplir la pénétration et parvenir à l'éjaculation dans au moins 75% de ses activités coïtales.
En plus de ces deux principales catégories, certains auteurs ont proposé d'autres distinctions. Ainsi, la dysfonction érectile est qualifiée de circonstancielle ou situationnelle lorsqu'il y a capacité érectile adéquate ou incapacité érectile seulement dans un contexte particulier : capacité seulement en vacances, capacité seulement le matin, ou incapacité dans un lieu précis. Elle est considérée comme sélective, si la capacité d'obtenir une érection est liée à la présence de telle partenaire et impossible avec telle autre. Et enfin, elle est dite permanente dans les cas où elle persiste indépendamment des circonstances et des partenaires.
Étiologie
Les auteurs dans ce domaine ont établi deux grandes catégories de causes aux troubles de dysfonction érectile, à savoir les causes organiques et les causes psychogènes. Entre les deux, on retrouve aussi les causes mixtes.
Causes organiques
Avant d'aller plus avant, il convient de faire un bref rappel sur le mécanisme organique de l'érection, qui est essentiellement un phénomène neurologique et vasculaire.
Les voies neurologiques de l'érection pénienne sont constituées de deux parties : voie centrale efférente cortico-sacrée et voie périphérique parasympathique pelvienne-caverneuse. Il faut savoir que les composantes neurologiques corticales sont mal définies actuellement. Cependant, il est clair que les composantes corticales vont moduler l'action des centres situés dans la moelle épinière, principalement dans les segments sacrés S2, S3, S4, mais aussi dans les segments thoraco-lombaires T10-L2. La voie périphérique part des centres de la moelle épinière pour aller innerver les muscles lisses des corps caverneux. D'un point de vue anatomique, ces nerfs passent près de plusieurs organes pelviens. De plus, une composante importante de la transmission de l'influx nerveux implique l'action de divers neurotransmetteurs (Goldstein, 1988).
D'un point de vue vasculaire, les données les plus récentes décrivent le mécanisme suivant qui mène à l'érection. Quand le pénis n'est pas en érection, les artères et les artérioles (hélicines) sont contractées et les espaces sinusoïdaux des corps caverneux sont contractés à cause de la contraction des muscles lisses des parois sinusoïdales et des artères. Les veinules partant des espaces sinusoïdaux jusqu'aux veines émissaires sont largement ouvertes. Durant l'érection, les muscles lisses se relâchent et la résistance interne du pénis diminue, amenant ainsi une augmentation du flux sanguin artériel. Le sang s'accumule alors dans les espaces sinusoïdaux qui augmentent de volume. Le système sinusoïdal écrase alors les veinules contre la tunique albuginée, réduisant ainsi la sortie veineuse au minimum (Lue et Tanagho, 1988).
Donc, il est clair que tout ce qui peut perturber les voies neurologiques de l'érection ou encore les mécanismes hémodynamiques, peut perturber l'érection pénienne.
Causes psychogènes
Les causes de type psychogène sont, elles aussi, multiples. La plupart des auteurs définissent qu'il y a des causes individuelles, des causes relationnelles ou systémiques, des causes comportementales, des causes écologiques.
Dans les causes individuelles, on retrouve l'anxiété de castration, le milieu d'origine répressif, le milieu familial et l'enfance, le choix d'objet, les facteurs de personnalité, des facteurs reliés à l'identité de genre, les phobies et les peurs. Dans les causes systémiques ou relationnelles, on retrouve diverses situations de conflit entre conjoints (pouvoir, haine, compétition), relation extra-conjugale, syndrome de veuvage et rupture. Dans les causes comportementales, on retrouve les situations amenant un conditionnement négatif si certaines expériences ont été accompagnées d'angoisse et de peur ou si un événement traumatisant est survenu. Pour peu que des circonstances aversives soient répétées, toute érection éveillera une anxiété, avec ses conséquences négatives sur l'érection. Parmi les causes écologiques, environnementales ou culturelles, on retrouve les situations ou les conditions de vie qui rendent l'expression de la sexualité difficile. Toutefois, si ces diverses causes peuvent entraîner un problème sexuel quelconque, ce sont les causes immédiates, actuelles ou encore contemporaines qui vont déterminer de quel type de problème sexuel il s'agira, par exemple de dysfonction érectile (Kaplan, 1979).
Il existe donc diverses situations dans la vie d'un homme qui peuvent causer une dysfonction érectile. L'impact plus ou moins fort de ces événements sera fonction de la signification symbolique qu'ils revêtent selon les individus. Il semble toutefois que ces problèmes soient souvent temporaires et qu'il y ait amélioration dès que les facteurs précipitants disparaissent.
Causes mixtes
Une étiologie mixte se retrouve chez un homme où il y a des causes organiques et des causes psychogènes au problème d'érection. Certains auteurs croient que la majorité des hommes ayant une dysfonction érectile présentent une étiologie mixte.
Épidémiologie et proportion étiologique
Les études portant sur l'épidémiologie des dysfonctions érectiles sont fort lacunaires et, en règle générale, peu précises. Néanmoins, on peut dire que la prévalence augmente en fonction de l'âge. Ainsi, chez les hommes autour de la vingtaine, la prévalence serait approximativement de 0,5%; elle augmenterait jusqu'à 10% vers l'âge de 50 ans, pour finalement atteindre entre 50% et 75% chez les hommes âgés de 80 ans environ.
En ce qui concerne la proportion étiologique entre cause psychogène et cause organique, les chiffres ont varié depuis une vingtaine d'années. En effet, les auteurs évaluaient à environ 10% le taux de dysfonctions érectiles ayant une origine organique et 90% le taux des dysfonctions érectiles ayant une origine psychogène. Aujourd'hui, des méthodes d'investigation plus efficaces permettent de réévaluer ces proportions à environ 30% à 40% pour les causes organiques et à 60% à 70% pour les causes psychogènes. Cependant, certaines recherches estiment que la proportion des dysfonctions érectiles ayant une cause organique peut aller jusqu'à 70%.
Diagnostic différentiel
Avec le développement de méthodes de traitement de plus en plus efficaces des dysfonctions érectiles, autant d'origine organique que psychogène, il devient de plus en plus important de poser un diagnostic différentiel entre l'étiologie organique et l'étiologie psychogène de façon à bien diriger le client vers le meilleur traitement pour lui. Cependant, il faut être conscient que les effets secondaires de plusieurs traitements des dysfonctions érectiles organiques entraînent des effets secondaires pouvant être sérieux ou amènent des dommages irréversibles au niveau des corps caverneux. Ce qui augmente encore l'importance d'un bon diagnostic différentiel. Mais, il faut convenir qu'une sexo-thérapie (peu importe la méthode) appliquée à un homme qui a une dysfonction érectile organique causera moins de dommages que l'implantation d'une prothèse pénienne interne chez un homme ayant une dysfonction érectile d'étiologie psychogène.
Dans la littérature, il semble que le moyen le plus efficace pour poser un diagnostic différentiel entre étiologie organique et étiologie psychogène est la mesure de la tumescence pénienne nocturne par pléthysmographie, tout en reliant les résultats obtenus à d'autres observations cliniques. Il existe différentes façons de vérifier la tumescence pénienne nocturne, façons qui ne sont pas toutes aussi efficaces.
Tests de tumescence nocturne
Surveillance par partenaire
Une première façon de vérifier si un homme a des érections durant la nuit est de demander à sa conjointe de rester éveillée durant une, deux ou trois nuits de façon à observer si son conjoint a des érections et de quelle qualité sont ces érections. Il y a des avantages à cette méthode. Peu onéreuse, elle peut se faire à la maison de sorte que lorsqu'il y a des érections, les deux conjoints peuvent le vérifier directement (la conjointe éveillant le dormeur). Toutefois, dans les faits, cette méthode semble peu utilisée. Soit parce que peu de sexologues cliniciens la proposent, soit parce que la conjointe refuse de rester éveillée toute la nuit ou ne le peut pas, ou encore parce que l'homme a de la difficulté à dormir en se sentant ainsi surveillé. Enfin, divers facteurs font que cette méthode est peu utilisée.
Timbres collés sur le pénis sans érection
Il est aussi possible de coller une bande de timbres autour du pénis sans érection et de vérifier si le lendemain matin, la bande de timbres est intacte ou non. Ce qui pourrait révéler, lors du bris, qu'il y a eu érection, ou s'il n'y a pas de bris qu'il n'y a pas eu d'érection durant la nuit. Cependant, avec cette méthode, on ne peut vérifier la durée de l'érection, l'augmentation réelle de circonférence, la rigidité, etc. De plus, la bande de timbres peut être brisée par diverses choses durant le sommeil, autre que l'érection. Enfin, une installation trop lâche peut faire rater des érections, ou une installation trop serrée peut faire briser les timbres à la moindre augmentation de circonférence.
Snap-Gauge
Le Snap-Gauge est une amélioration du système de timbres, en utilisant un petit brassard attaché autour du pénis. Ce petit brassard utilise trois petites bandes de plastique, de dimension et solidité différentes, qui se brisent successivement selon l'augmentation du volume du pénis. Tout en étant plus précis que les timbres sur le volume d'augmentation du pénis, cette méthode n'en souffre pas moins du même type de limitation.
Pléthysmographie sans rigidité
La mesure de la tumescence pénienne nocturne par pléthysmographie sans mesure de rigidité enregistre durant la nuit les variations de circonférence du pénis à l'aide d'un ou de deux anneaux de mercure placés autour du pénis et reliés à un marqueur sur papier. L'anneau de mercure est constitué par une mince bande de caoutchouc élastique qui contient du mercure (ou encore un alliage d'indium et de gallium). Lorsque l'anneau est étiré, par exemple sous l'effet d'une érection nocturne, la conductivité du mercure diminue. Cette variation de résistance électrique est traduite sur le papier. Cependant, il manque à cette mesure, une vérification de la rigidité du pénis.
Pléthysmographie avec mesure de rigidité
Récemment, un autre type d'appareil pour enregistrer les érections nocturnes est apparu. Cet appareil permet non seulement d'enregistrer les variations de circonférence du pénis, mais aussi de mesurer la rigidité de ces variations. Ceci permet d'obtenir des mesures en complétant les variations de circonférence par des valeurs de rigidité. Cette mesure de rigidité est importante, car certains chercheurs ont remarqué qu'à certaines occasions une augmentation de circonférence n'était pas nécessairement suivie d'une augmentation de rigidité.
Stimulation visuelle sexuelle
Aux mesures de tumescence nocturne, on peut ajouter des mesures de tumescence diurne. Avec le test de stimulation visuelle sexuelle, le patient est soumis à des stimuli érotiques et la réponse érectile est enregistrée, avec ou sans mesure de rigidité.
Vibro-pléthysmographie
Un autre type de mesure de la tumescence pénienne diurne est réalisée par l'utilisation d'un appareil appliquant une vibration au niveau du pénis et la réponse érectile est enregistrée à l'aide d'un pléthysmographe, avec ou sans mesure de rigidité.
Après le diagnostic différentiel
Après l'utilisation de ces tests, de préférence les plus efficaces, il est possible de déterminer si les causes du problème d'érection se retrouvent dans la catégorie des causes organiques ou dans la catégorie des causes psychogènes. La ou les causes plus précises doivent être déterminées par la suite. En effet, une pléthysmographie ne va pas signaler au sexologue clinicien si le problème d'érection est causé par une anxiété de féminisation, des difficultés de couple ou encore quel type exact d'atteinte vasculaire ou neurologique se retrouve chez le patient.
Pour déterminer la ou les causes organiques exactes, il faut compléter les informations données par les tests de tumescence par des tests spécifiques afin d'évaluer les composantes de l'érection. Pour mesurer la composante artérielle de l'érection, il est possible de mesurer la pression sanguine pénienne avec une sonde à ultrason (Doppler ou Doppler duplex), le test à la papavérine, l'artériographie hypogastrique sélective. On mesure la composante veineuse de l'érection avec un test de la compétence veineuse par cavernosographie et cavernométrie. La composante neurologique somatique est mesurée par le test de réponse évoquée bullbocaverneuse, le test de vitesse de conduction du nerf dorsal, le test du biothésiomètre pénien, le test de potentiel évoqué sensitif du nerf dorsal du pénis. Il n'y a pas de test spécifique pour mesurer la composante neurologique autonomique de l'érection. Cependant, il est possible d'utiliser les tests existants pour mesurer les réflexes autonomiques d'autres organes, ou encore le test de supersensitivité. Il ne s'agit ici que d'un très bref aperçu des tests disponibles pour compléter l'évaluation de la composante organique de la dysfonction érectile.
Quant à l'évaluation plus complète de la composante psychosexuelle de la dysfonction érectile, ce qui ne fait pas l'objet du présent article, elle relève de la compétence des sexologues formés à cet effet.
ConclusionEn fait, c'est à la suite du diagnostic qu'il est possible au sexologue clinicien d'offrir le meilleur traitement pour le client. C'est donc faire preuve de professionnalisme que de poser un bon diagnostic de façon à bien orienter le traitement ou de référer le client si nécessaire.
Les auteurs semblent s'entendre pour dire qu'il est possible d'obtenir un diagnostic différentiel très précis par l'utilisation des diverses méthodes biomédicales disponibles. Il importe cependant de noter que certaines de ces méthodes sont onéreuses ou ne sont pas disponibles en dehors des grands centres urbains, alors que d'autres entraînent des risques de morbidité secondaire à l'évaluation. On peut se demander s'il existe d'autres moyens valides pour faire un tel diagnostic différentiel, c'est-à-dire sensible et spécifique. Selon plusieurs recherches, il semble qu'il soit possible d'établir un diagnostic différentiel par l'utilisation d'un ensemble de questions portant sur la symptomatologie sexuelle de la dysfonction érectile (e.g. difficulté à obtenir l'érection, difficulté à maintenir l'érection). Toutefois, ces études portent la plupart du temps sur un nombre assez restreint de sujets ou encore utilisent un groupe particulier de sujets (e.g. seulement des diabétiques) ou encore n'ont pas été reproduites au Québec. Actuellement, il y a une étude, dans le cadre d'un mémoire de maîtrise, qui tente de résoudre ces difficultés.
Bibliographie succinte
Campbell, Michel R.; Alarie, Pierre (1986). L'évaluation de la dysfonction érectile pénienne : perspectives nouvelles, difficultés actuelles. Revue québécoise de psychologie, 7:3, 3-20.
Goldstein, Irwin (1988). Evaluation of Penile Nerves. In Emil A. Tanagho, Tom F. Lue and R. Dale McClure (dirs.). Contemporary Management of Impotence and Infertility. Baltimore, Williams & Wilkins, 70-83.
Groat, William D.; Steers, William D. (1988). Neuroanatomy and Neurophysiology of Penile Erection. In Emil A. Tanagho, Tom F. Lue and R. Dale McClure (dirs.). Contemporary Management of Impotence and Infertility. Baltimore, Williams & Wilkins, 3-27.
Kaneko, Shigeo; Bradley, William E. (1986). Evaluation of Erectile Dysfunction With Continuous Monitoring of Penile Rigidity. The Journal of Urology, 136, 1026-1029.
Kaplan, Helen S. (1974). The New Sex Therapy. New York, Brunner/Mazel Publishers.
Karacan, Ismet; Howell, James W. (1988). Use of Nocturnal Penile Tumescence in Diagnosis of Male Erectile Dysfunction. In Emil A. Tanagho, Tom F. Lue and R. Dale McClure (dirs.). Contemporary Management of Impotence and Infertility. Baltimore, Williams & Wilkins, 95-103.
Lue, Tom F. (1988). Functional Evaluation of Penile Arteries with Papaverine. In Emil A. Tanagho, Tom F. Lue and R. Dale McClure (dirs.). Contemporary Management of Impotence and Infertility. Baltimore, Williams & Wilkins, 57-64.
Lue, Tom F. (1988). Functional Study of Penile Veins. In Emil A. Tanagho, Tom F. Lue and R. Dale McClure (dirs.). Contemporary Management of Impotence and Infertility. Baltimore, Williams & Wilkins, 65-67.
Lue, Tom F.; Tanagho, Emil A. (1988). Functional Anatomy and Mechanism of Penile Erection. In Emil A. Tanagho, Tom F. Lue and R. Dale McClure (dirs.). Contemporary Management of Impotence and Infertility. Baltimore, Williams & Wilkins, 65-67.
Auteur : François Blanchette, M.A., Sexologue, Psychothérapeute.
Deux bureaux en Montérégie : St-Hyacinthe et Longueuil. Pour prendre rendez-vous.
Parution
Article est paru dans la revue Bulletin de l'Association des sexologues du Québec, Vol XI, no 3, mai-juin 1990.
Article paru sur affection.org
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Dans ce court article, nous apporterons, dans un premier temps, une définition des dysfonctions érectiles. Ensuite, nous donnerons un aperçu des causes possibles des dysfonctions érectiles. Dans un troisième temps, nous traiterons de l'épidémiologie des dysfonctions érections et des proportions étiologiques entre celles d'origine organique et celles d'origine psychogène. Enfin, nous parlerons des méthodes actuelles pour poser un diagnostic différentiel entre ces deux grandes catégories de causes.
Définition des dysfonctions érectiles
Avant tout, il convient de préciser que l'utilisation du terme dysfonction érectile, par rapport à celui d'impuissance, découle d'un choix soutenu par divers éléments. En premier lieu, la définition du terme impuissance est plutôt vague et imprécise et celui-ci fut utilisé pour désigner diverses difficultés : éjaculation précoce, manque de désir sexuel, difficulté d'érection. En second lieu, le mot impuissance comporte une connotation péjorative (Kaplan, 1974). Pour ces différentes raisons, il est préférable de conserver l'expression dysfonction érectile quand on veut désigner une difficulté liée à la capacité d'obtenir ou de maintenir une érection du pénis.
L'analyse de la littérature pertinente nous habilite à définir la dysfonction érectile de la façon suivante. Celle-ci se caractérise en effet par une incapacité à obtenir ou à maintenir une érection pénienne suffisamment rigide pour compléter l'acte sexuel par la pénétration, les poussées pelviennes et l'éjaculation.
De façon générale, les auteurs classent les dysfonctions érectiles en deux grandes catégories : primaire et secondaire. Une dysfonction érectile est dite primaire si l'individu n'a jamais eu d'érection de qualité suffisante pour accomplir une pénétration : absence totale d'érection ou érection trop brève. Une dysfonction érectile est dite secondaire si l'individu a déjà pu accomplir la pénétration tout en étant présentement incapable de le faire. Plus précisément, la dysfonction est considérée comme secondaire si l'individu ne peut accomplir la pénétration et parvenir à l'éjaculation dans au moins 75% de ses activités coïtales.
En plus de ces deux principales catégories, certains auteurs ont proposé d'autres distinctions. Ainsi, la dysfonction érectile est qualifiée de circonstancielle ou situationnelle lorsqu'il y a capacité érectile adéquate ou incapacité érectile seulement dans un contexte particulier : capacité seulement en vacances, capacité seulement le matin, ou incapacité dans un lieu précis. Elle est considérée comme sélective, si la capacité d'obtenir une érection est liée à la présence de telle partenaire et impossible avec telle autre. Et enfin, elle est dite permanente dans les cas où elle persiste indépendamment des circonstances et des partenaires.
Étiologie
Les auteurs dans ce domaine ont établi deux grandes catégories de causes aux troubles de dysfonction érectile, à savoir les causes organiques et les causes psychogènes. Entre les deux, on retrouve aussi les causes mixtes.
Causes organiques
Avant d'aller plus avant, il convient de faire un bref rappel sur le mécanisme organique de l'érection, qui est essentiellement un phénomène neurologique et vasculaire.
Les voies neurologiques de l'érection pénienne sont constituées de deux parties : voie centrale efférente cortico-sacrée et voie périphérique parasympathique pelvienne-caverneuse. Il faut savoir que les composantes neurologiques corticales sont mal définies actuellement. Cependant, il est clair que les composantes corticales vont moduler l'action des centres situés dans la moelle épinière, principalement dans les segments sacrés S2, S3, S4, mais aussi dans les segments thoraco-lombaires T10-L2. La voie périphérique part des centres de la moelle épinière pour aller innerver les muscles lisses des corps caverneux. D'un point de vue anatomique, ces nerfs passent près de plusieurs organes pelviens. De plus, une composante importante de la transmission de l'influx nerveux implique l'action de divers neurotransmetteurs (Goldstein, 1988).
D'un point de vue vasculaire, les données les plus récentes décrivent le mécanisme suivant qui mène à l'érection. Quand le pénis n'est pas en érection, les artères et les artérioles (hélicines) sont contractées et les espaces sinusoïdaux des corps caverneux sont contractés à cause de la contraction des muscles lisses des parois sinusoïdales et des artères. Les veinules partant des espaces sinusoïdaux jusqu'aux veines émissaires sont largement ouvertes. Durant l'érection, les muscles lisses se relâchent et la résistance interne du pénis diminue, amenant ainsi une augmentation du flux sanguin artériel. Le sang s'accumule alors dans les espaces sinusoïdaux qui augmentent de volume. Le système sinusoïdal écrase alors les veinules contre la tunique albuginée, réduisant ainsi la sortie veineuse au minimum (Lue et Tanagho, 1988).
Donc, il est clair que tout ce qui peut perturber les voies neurologiques de l'érection ou encore les mécanismes hémodynamiques, peut perturber l'érection pénienne.
Causes psychogènes
Les causes de type psychogène sont, elles aussi, multiples. La plupart des auteurs définissent qu'il y a des causes individuelles, des causes relationnelles ou systémiques, des causes comportementales, des causes écologiques.
Dans les causes individuelles, on retrouve l'anxiété de castration, le milieu d'origine répressif, le milieu familial et l'enfance, le choix d'objet, les facteurs de personnalité, des facteurs reliés à l'identité de genre, les phobies et les peurs. Dans les causes systémiques ou relationnelles, on retrouve diverses situations de conflit entre conjoints (pouvoir, haine, compétition), relation extra-conjugale, syndrome de veuvage et rupture. Dans les causes comportementales, on retrouve les situations amenant un conditionnement négatif si certaines expériences ont été accompagnées d'angoisse et de peur ou si un événement traumatisant est survenu. Pour peu que des circonstances aversives soient répétées, toute érection éveillera une anxiété, avec ses conséquences négatives sur l'érection. Parmi les causes écologiques, environnementales ou culturelles, on retrouve les situations ou les conditions de vie qui rendent l'expression de la sexualité difficile. Toutefois, si ces diverses causes peuvent entraîner un problème sexuel quelconque, ce sont les causes immédiates, actuelles ou encore contemporaines qui vont déterminer de quel type de problème sexuel il s'agira, par exemple de dysfonction érectile (Kaplan, 1979).
Il existe donc diverses situations dans la vie d'un homme qui peuvent causer une dysfonction érectile. L'impact plus ou moins fort de ces événements sera fonction de la signification symbolique qu'ils revêtent selon les individus. Il semble toutefois que ces problèmes soient souvent temporaires et qu'il y ait amélioration dès que les facteurs précipitants disparaissent.
Causes mixtes
Une étiologie mixte se retrouve chez un homme où il y a des causes organiques et des causes psychogènes au problème d'érection. Certains auteurs croient que la majorité des hommes ayant une dysfonction érectile présentent une étiologie mixte.
Épidémiologie et proportion étiologique
Les études portant sur l'épidémiologie des dysfonctions érectiles sont fort lacunaires et, en règle générale, peu précises. Néanmoins, on peut dire que la prévalence augmente en fonction de l'âge. Ainsi, chez les hommes autour de la vingtaine, la prévalence serait approximativement de 0,5%; elle augmenterait jusqu'à 10% vers l'âge de 50 ans, pour finalement atteindre entre 50% et 75% chez les hommes âgés de 80 ans environ.
En ce qui concerne la proportion étiologique entre cause psychogène et cause organique, les chiffres ont varié depuis une vingtaine d'années. En effet, les auteurs évaluaient à environ 10% le taux de dysfonctions érectiles ayant une origine organique et 90% le taux des dysfonctions érectiles ayant une origine psychogène. Aujourd'hui, des méthodes d'investigation plus efficaces permettent de réévaluer ces proportions à environ 30% à 40% pour les causes organiques et à 60% à 70% pour les causes psychogènes. Cependant, certaines recherches estiment que la proportion des dysfonctions érectiles ayant une cause organique peut aller jusqu'à 70%.
Diagnostic différentiel
Avec le développement de méthodes de traitement de plus en plus efficaces des dysfonctions érectiles, autant d'origine organique que psychogène, il devient de plus en plus important de poser un diagnostic différentiel entre l'étiologie organique et l'étiologie psychogène de façon à bien diriger le client vers le meilleur traitement pour lui. Cependant, il faut être conscient que les effets secondaires de plusieurs traitements des dysfonctions érectiles organiques entraînent des effets secondaires pouvant être sérieux ou amènent des dommages irréversibles au niveau des corps caverneux. Ce qui augmente encore l'importance d'un bon diagnostic différentiel. Mais, il faut convenir qu'une sexo-thérapie (peu importe la méthode) appliquée à un homme qui a une dysfonction érectile organique causera moins de dommages que l'implantation d'une prothèse pénienne interne chez un homme ayant une dysfonction érectile d'étiologie psychogène.
Dans la littérature, il semble que le moyen le plus efficace pour poser un diagnostic différentiel entre étiologie organique et étiologie psychogène est la mesure de la tumescence pénienne nocturne par pléthysmographie, tout en reliant les résultats obtenus à d'autres observations cliniques. Il existe différentes façons de vérifier la tumescence pénienne nocturne, façons qui ne sont pas toutes aussi efficaces.
Tests de tumescence nocturne
Surveillance par partenaire
Une première façon de vérifier si un homme a des érections durant la nuit est de demander à sa conjointe de rester éveillée durant une, deux ou trois nuits de façon à observer si son conjoint a des érections et de quelle qualité sont ces érections. Il y a des avantages à cette méthode. Peu onéreuse, elle peut se faire à la maison de sorte que lorsqu'il y a des érections, les deux conjoints peuvent le vérifier directement (la conjointe éveillant le dormeur). Toutefois, dans les faits, cette méthode semble peu utilisée. Soit parce que peu de sexologues cliniciens la proposent, soit parce que la conjointe refuse de rester éveillée toute la nuit ou ne le peut pas, ou encore parce que l'homme a de la difficulté à dormir en se sentant ainsi surveillé. Enfin, divers facteurs font que cette méthode est peu utilisée.
Timbres collés sur le pénis sans érection
Il est aussi possible de coller une bande de timbres autour du pénis sans érection et de vérifier si le lendemain matin, la bande de timbres est intacte ou non. Ce qui pourrait révéler, lors du bris, qu'il y a eu érection, ou s'il n'y a pas de bris qu'il n'y a pas eu d'érection durant la nuit. Cependant, avec cette méthode, on ne peut vérifier la durée de l'érection, l'augmentation réelle de circonférence, la rigidité, etc. De plus, la bande de timbres peut être brisée par diverses choses durant le sommeil, autre que l'érection. Enfin, une installation trop lâche peut faire rater des érections, ou une installation trop serrée peut faire briser les timbres à la moindre augmentation de circonférence.
Snap-Gauge
Le Snap-Gauge est une amélioration du système de timbres, en utilisant un petit brassard attaché autour du pénis. Ce petit brassard utilise trois petites bandes de plastique, de dimension et solidité différentes, qui se brisent successivement selon l'augmentation du volume du pénis. Tout en étant plus précis que les timbres sur le volume d'augmentation du pénis, cette méthode n'en souffre pas moins du même type de limitation.
Pléthysmographie sans rigidité
La mesure de la tumescence pénienne nocturne par pléthysmographie sans mesure de rigidité enregistre durant la nuit les variations de circonférence du pénis à l'aide d'un ou de deux anneaux de mercure placés autour du pénis et reliés à un marqueur sur papier. L'anneau de mercure est constitué par une mince bande de caoutchouc élastique qui contient du mercure (ou encore un alliage d'indium et de gallium). Lorsque l'anneau est étiré, par exemple sous l'effet d'une érection nocturne, la conductivité du mercure diminue. Cette variation de résistance électrique est traduite sur le papier. Cependant, il manque à cette mesure, une vérification de la rigidité du pénis.
Pléthysmographie avec mesure de rigidité
Récemment, un autre type d'appareil pour enregistrer les érections nocturnes est apparu. Cet appareil permet non seulement d'enregistrer les variations de circonférence du pénis, mais aussi de mesurer la rigidité de ces variations. Ceci permet d'obtenir des mesures en complétant les variations de circonférence par des valeurs de rigidité. Cette mesure de rigidité est importante, car certains chercheurs ont remarqué qu'à certaines occasions une augmentation de circonférence n'était pas nécessairement suivie d'une augmentation de rigidité.
Stimulation visuelle sexuelle
Aux mesures de tumescence nocturne, on peut ajouter des mesures de tumescence diurne. Avec le test de stimulation visuelle sexuelle, le patient est soumis à des stimuli érotiques et la réponse érectile est enregistrée, avec ou sans mesure de rigidité.
Vibro-pléthysmographie
Un autre type de mesure de la tumescence pénienne diurne est réalisée par l'utilisation d'un appareil appliquant une vibration au niveau du pénis et la réponse érectile est enregistrée à l'aide d'un pléthysmographe, avec ou sans mesure de rigidité.
Après le diagnostic différentiel
Après l'utilisation de ces tests, de préférence les plus efficaces, il est possible de déterminer si les causes du problème d'érection se retrouvent dans la catégorie des causes organiques ou dans la catégorie des causes psychogènes. La ou les causes plus précises doivent être déterminées par la suite. En effet, une pléthysmographie ne va pas signaler au sexologue clinicien si le problème d'érection est causé par une anxiété de féminisation, des difficultés de couple ou encore quel type exact d'atteinte vasculaire ou neurologique se retrouve chez le patient.
Pour déterminer la ou les causes organiques exactes, il faut compléter les informations données par les tests de tumescence par des tests spécifiques afin d'évaluer les composantes de l'érection. Pour mesurer la composante artérielle de l'érection, il est possible de mesurer la pression sanguine pénienne avec une sonde à ultrason (Doppler ou Doppler duplex), le test à la papavérine, l'artériographie hypogastrique sélective. On mesure la composante veineuse de l'érection avec un test de la compétence veineuse par cavernosographie et cavernométrie. La composante neurologique somatique est mesurée par le test de réponse évoquée bullbocaverneuse, le test de vitesse de conduction du nerf dorsal, le test du biothésiomètre pénien, le test de potentiel évoqué sensitif du nerf dorsal du pénis. Il n'y a pas de test spécifique pour mesurer la composante neurologique autonomique de l'érection. Cependant, il est possible d'utiliser les tests existants pour mesurer les réflexes autonomiques d'autres organes, ou encore le test de supersensitivité. Il ne s'agit ici que d'un très bref aperçu des tests disponibles pour compléter l'évaluation de la composante organique de la dysfonction érectile.
Quant à l'évaluation plus complète de la composante psychosexuelle de la dysfonction érectile, ce qui ne fait pas l'objet du présent article, elle relève de la compétence des sexologues formés à cet effet.
ConclusionEn fait, c'est à la suite du diagnostic qu'il est possible au sexologue clinicien d'offrir le meilleur traitement pour le client. C'est donc faire preuve de professionnalisme que de poser un bon diagnostic de façon à bien orienter le traitement ou de référer le client si nécessaire.
Les auteurs semblent s'entendre pour dire qu'il est possible d'obtenir un diagnostic différentiel très précis par l'utilisation des diverses méthodes biomédicales disponibles. Il importe cependant de noter que certaines de ces méthodes sont onéreuses ou ne sont pas disponibles en dehors des grands centres urbains, alors que d'autres entraînent des risques de morbidité secondaire à l'évaluation. On peut se demander s'il existe d'autres moyens valides pour faire un tel diagnostic différentiel, c'est-à-dire sensible et spécifique. Selon plusieurs recherches, il semble qu'il soit possible d'établir un diagnostic différentiel par l'utilisation d'un ensemble de questions portant sur la symptomatologie sexuelle de la dysfonction érectile (e.g. difficulté à obtenir l'érection, difficulté à maintenir l'érection). Toutefois, ces études portent la plupart du temps sur un nombre assez restreint de sujets ou encore utilisent un groupe particulier de sujets (e.g. seulement des diabétiques) ou encore n'ont pas été reproduites au Québec. Actuellement, il y a une étude, dans le cadre d'un mémoire de maîtrise, qui tente de résoudre ces difficultés.
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Auteur : François Blanchette, M.A., Sexologue, Psychothérapeute.
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Parution
Article est paru dans la revue Bulletin de l'Association des sexologues du Québec, Vol XI, no 3, mai-juin 1990.
Article paru sur affection.org
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